Déjà pas folichonnes ces derniers mois, les choses viennent de prendre un tournant encore plus mauvais pour Activision-Blizzard : le Wall Street Journal a publié une longue enquête, révélant certains faits qui remontent jusqu’à 2006.
On en apprend également sur la démission de Jean Oneal, trois mois après avoir été la première femme à la tête de Blizzard. Celle-ci aurait informé un avocat du groupe de sa volonté de démissionner, expliquant « qu’il est clair que l’entreprise ne voudra jamais prioriser les gens de la bonne manière« , et notant par ailleurs avoir été agressée sexuellement plus tôt dans sa carrière. Oneal a également expliqué que son salaire était inférieur à celui de Mike Ybarra, l’autre co-PDG de Blizzard, et qu’elle avait été « objectifiée, marginalisée et utilisée« .
Par ailleurs, l’article du Wall Street Journal nomme plusieurs personnes, issues de différentes antennes d’Activision-Blizzard, dans différentes affaires passées :
- Dan Bunting, co-leader du studio Treyarch d’Activion, a été accusé de harcèlement sexuel en 2017 après une nuit de beuverie. Une enquête interne réalisée par l’entreprise a conseillé sur son licenciement, lequel a été stoppé par Bobby Kotick. Depuis cette histoire, Bunting a quitté le groupe.
- Javier Panameno, un directeur de jeu de Sladgehammer Games, aurait violé une femme et harcelé sexuellement une autre. Des plaintes ont été déposées à la police, sans que quoi que ce soit n’ait été fait. Cependant, en 2018, les affaires ont été rapportées en interne et Panameno a été licencié deux mois plus tard.
- Ben Kilgore, responsable technologique chez Blizzard, a été la cible de plusieurs accusations de harcèlement sexuel ces dernières années. Il a également menti durant une enquête interne, sur une relation avec une subalterne. Kilgore a été remercié en 2018, avec l’accord de la direction.
- Enfin, c’est Bobby Kotick lui-même qui est mis en cause, pour une affaire remontant à 2006. Le PDG de Activision a laissé un message vocal à une assistante, où il menace de la faire tuer. Des excuses auraient été faites dans la foulée.
Ce dernier point pourrait, au final, ne pas être si grave. Kotick aurait effectivement reconnu la gravité de ses propos, et l’agressivité hyperbolique de son attitude. De plus, le fait que cette affaire ait eu lieu 16 ans auparavant rend les choses moins choquantes.
Et pourtant, ce problème est symptomatique : le tableau dépeint par le Wall Street Journal renforce l’image d’une fratrie dont les membres se protègent les uns les autres, entraînant ainsi la création d’une ambiance toxique, plus particulièrement envers les femmes.
Tous ces éléments risquent de s’ajouter à l’enquête de la Securities and Exchange Commission, l’organisme boursier étasunien chargé de s’assurer que tout le monde respecte les règles. Bobby Kotick a été convoqué afin de déterminer s’il a volontairement caché certains de ces éléments aux investisseurs, les rendant vulnérable à une baisse du cours de l’action, et donc à des pertes ; le cas échéant, les sanctions pourraient être très lourdes pour le PDG.
Et justement, certains employés veulent un nouveau PDG. L’organisation ABK Workers Alliance a publié sur Twitter le message ci-dessous, expliquant : « Nous avons instauré une politique de tolérance zéro. Nous ne nous tairons pas jusqu’à ce que Bobby Kotick soit remplacé en tant que PDG, et maintenant notre demande de review de l’entreprise par un groupe tiers choisi par les employés. Nous organisons un walkout aujourd’hui. Vous êtes les bienvenus pour nous rejoindre« .
We have instituted our own Zero Tolerance Policy. We will not be silenced until Bobby Kotick has been replaced as CEO, and continue to hold our original demand for Third-Party review by an employee-chosen source. We are staging a Walkout today. We welcome you to join us.
— ABetterABK 💙 ABK Workers Alliance (@ABetterABK) November 16, 2021
Pour rappel, les « walkout » sont une forme de protestation où les employés se rassemblent devant leur entreprise pour manifester pacifiquement. Cette pratique a beaucoup été vue ces derniers mois, alors que les révélations de harcèlement sexuel dans le monde du jeu vidéo se multiplient, et que les accusés sont nommés au grand jour.
ABK Workers Alliance justifie sa demande par le fait que Bobby Kotick avait été mis au courant de ces nombreuses affaires plusieurs fois, et que comme le reste de la structure dirigeante, il ait décidé de cacher ces affaires. Des personnalités comme Alex Afrasiabi ont ainsi été mises en cause, et définitivement retirées de World of Warcraft ; le MMORPG, qui perd de plus en plus de joueurs, verra bientôt l’introduction d’un outil destiné à mieux écouter les joueurs. Un bon pas en avant, bien plus efficace que le fait de retirer des émotes soi-disant offensantes…
Entre la pression des employés et des la SEC, il apparaît que Bobby Kotick est plus isolé que jamais, et un vote en sa défaveur du conseil d’administration paraît de plus en plus probable. En ajoutant la récente annulation de la BlizzConline 2022, la fragilité de Activision-Blizzard est plus apparente que jamais.
Quoiqu’il en soit, espérons que de profonds changements internes seront réalisés sous peu, et offriront un cadre de travail plus sain aux employés de la boîte…