Innovation et bénéfices : comment Sony et Microsoft vont s’adapter l’un à l’autre après le rachat d’ABK
Après plusieurs mois de suspense, l’affaire est presque pliée : Microsoft va racheter Activision-Blizzard-King, dans ce qui est de loin le plus gros deal de l’histoire de l’industrie du jeu vidéo.
Il ne reste plus que l’aval de la CMA qui s’est aliénée, en peu de temps, les gamers comme les politiciens de son pays. Des négociations sont déjà en cours entre le régulateur britannique et l’éditeur américain, dont les résultats pourraient être connus d’ici quelques jours. Pour rappel, la CMA avait avancé d’étranges arguments en rapport avec le cloud gaming, arguments qui ont été balayés il y a quelques jours lors de l’audience avec la FTC, aux États-Unis. Si rien n’est jamais joué d’avance, Microsoft a bon espoir de voir le deal être approuvé d’ici une semaine. D’après des sources internes avec lesquelles j’ai pu échanger, le rachat effectif devrait avoir lieu au plus tard à la mi-août.
Afin de s’assurer d’un maximum de soutiens, Phil Spencer a annoncé hier soir qu’un accord avait été signé avec Sony, garantissant la disponibilité de Call of Duty sur la PlayStation pour les dix années à venir. C’était une inquiétude de nombreux régulateurs, que Microsoft a contré il y a déjà plusieurs mois, en promettant de mettre à disposition son catalogue chez d’autres acteurs de l’industrie. En novembre dernier, une telle offre avait déjà été faite à l’éditeur japonais.
We are pleased to announce that Microsoft and @PlayStation have signed a binding agreement to keep Call of Duty on PlayStation following the acquisition of Activision Blizzard. We look forward to a future where players globally have more choice to play their favorite games.
— Phil Spencer (@XboxP3) July 16, 2023
On peut donc dire que Sony a eu gain de cause… en tout cas sur le court terme.
Call of Duty est certes une source de revenus énorme, particulièrement sur PlayStation, mais rien ne garantit que le catalogue massif d’Activision-Blizzard-King ne sera pas exclusif à l’écosystème Xbox. On parle ici de licences iconiques comme Diablo, Crash Bandicoot, Overwatch, l’univers WarCraft ou encore Spyro ; on se rappelle notamment que Phil Spencer avait déjà manifesté une certaine excitation vis-à-vis d’un retour de StarCraft. Ces seuls noms ont une valeur qui se chiffre en milliards de dollars, et un potentiel titanesque auquel Sony pourrait bien ne pas avoir droit. Il est également véridique d’affirmer que Call of Duty pourrait également bénéficier de contenus exclusifs sur Xbox, retournant ainsi la stratégie de l’éditeur japonais contre lui. Jim Ryan ne semblait pourtant pas inquiet à l’idée de perdre Call of Duty, mais la réalité financière semble pourtant bien différente.
Il est également bon de rappeler qu’en plus des licences, Microsoft récupère avec ce deal une masse salariale aussi qualitative que quantitative. De 2 500 employés dans le gaming, le géant amérindien est passé à 5 000 avec le rachat de ZeniMax ; si on ajoute ABK, Microsoft totalise désormais 15 000 employés dédiés à la croissance de l’écosystème Xbox. Afin de rentabiliser un achat de près de 70 milliards de dollars, il va bien falloir que Phil Spencer motive ses nombreuses nouvelles équipes pour produire des jeux innovants, capables de convaincre les joueurs soit sceptiques, soit adeptes de la PlayStation. Il en va de la pertinence de la console Xbox, mais également de celle du GamePass, service ô si important pour Microsoft !
Mais par chance pour l’industrie, l’innovation pourrait trouver son chemin chez Sony, ainsi que le partage. Pour contrer Call of Duty, l’éditeur japonais a tout intérêt à développer son propre FPS, en utilisant toutes les ressources à sa disposition ; peut-être que le rachat de Bungie est déjà un premier pas dans cette direction ? Ayant pour lui les sagas Halo et Destiny, le studio a ici l’opportunité de retrouver ses lettres de noblesse !
Ironiquement, Microsoft risque bien d’être, en termes de chiffre d’affaire, le plus gros éditeur tiers de la PlayStation ! Minecraft et Call of Duty, deux des trois jeux les plus vendus de la console japonaise, sont désormais sous pavillon américain.
On s’amuse du fait que Microsoft sera responsable d’une bonne partie des rentrées d’argent de la PlayStation, et bénéficie donc d’une certaine influence auprès des consommateurs de tout bord. Mais en sécurisant Call of Duty et avec des régulateurs plutôt frileux, Sony s’assure de revenus garantis assez confortables, lui permettant de préparer les années à venir ; une stratégie s’axant sur moins d’exclusivités est tout à fait possible, en faisant preuve de plus de générosité envers les joueurs PC. Sony a déjà annoncé vouloir renforcer cette politique, ce qui ne peut être qu’une bonne chose ; cela dit, la qualité discutable de certains portages montre qu’il y a encore une énorme marge d’amélioration. Notons aussi que la plupart des gamers apprécieront probablement que Sony arrête de payer des droits de blocages à d’autres studios, et permette enfin à des jeux d’être découverts par le plus grand nombre.
En attendant, Microsoft dispose à la fois de licences excitantes, et de développeurs chevronnés. Il sera donc très intéressant de voir ce que le géant américain proposera durant les prochaines années… et sur quelles plateformes !
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