[INTERVIEW] Aurore Huet, avocate rattachée à France eSports
Avec sa récente ouverture au public, France eSports se positionne comme un véritable organisme capable de gérer un milieu assez chaotique en France, et de rassembler les différents acteurs. Mais plus que de l’organisation, il faut de la régularisation. Les statuts des joueurs, des équipes, les cashprize… autant d’éléments qui ont besoin d’une aide juridique. C’est pour cela que France eSports s’est associé à Aurore Huet et son cabinet Kerlaw, afin d’établir le cadre législatif le plus clair possible. Je suis allé dans la charmante ville de Lyon afin de lui poser quelques questions :
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1) Bonjour maître Huet ! Pour commencer, comment une avocate spécialisée en droit des affaires en vient à travailler sur le sport électronique ?
Dans mon ancien cabinet, déjà, nous traitions beaucoup de dossiers relatifs à des sportifs, qu’ils soient célèbres ou pas. Par la suite, lorsque j’ai monté mon propre cabinet, je me suis intéressée au sport électronique ; je suis tombée sur un article qui parlait d’Ocelote, et j’ai tout de suite fait le parallèle avec les joueurs de foot, et le business qu’ils ont autour d’eux. Peu après, j’ai discuté longuement avec Bertrand Amar (que je connaissais déjà de longue date) de Bang Bang Management, et on a commencé à discuter de quoi les joueurs avaient besoin.
En avril 2016, les prémices de la loi sur la République numérique ont commencé à poser les bases d’un eSport professionnel, et j’ai vraiment voulu étudier ce milieu plus en profondeur. J’ai pris contact avec le site, ce qui m’a permis de rencontrer Stéphan Euthine, qui baigne dans l’eSport depuis très longtemps. J’ai raté la Gasmescon 2016 de peu mais je suis allé à la Paris Games Week, où j’ai pu voir l’eSport de plus près. C’est à peu près à ce moment que j’ai commencé à travailler avec France eSports.
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2) Quel regard avez-vous sur l’eSport avant la création de l’association, et après ? Des changements notables sont-ils visibles ?
J’ai vraiment le sentiment que maintenant, la machine est en ordre de marche ; beaucoup d’acteurs majeurs ont rejoint l’eSport en 2016, comme TF1, Canal+ ou l’Équipe. Récemment, à St-Priest, la conférence esportive organisée par AMOS et Stakrn a montré ce qu’il était possible de faire : le maire de la ville était présent, ainsi que de nombreux intervenants (comme Stéphan Euthine), et cela a permis de mettre en exergue les avantages pour les économies locales.
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3) Quelles pistes d’amélioration voyez-vous pour l’eSport français aujourd’hui ? Quels axes majeurs dégagez-vous de votre mission ?
Pour le moment, seuls deux décrets sont passés – c’est un début mais encore insuffisant. La priorité est de définir un statut social pour les joueurs professionnels ; s’agit-il d’un loisir ? D’un sport ? D’un métier artistique ? Il faut une reconnaissance réelle en tant que métier. Cela implique également de gérer l’aspect post-carrière, bien souvent négligé. On a souvent des joueurs très jeunes qui risquent d’être pris dans un mauvais train, qui risquent de se fermer dans des gaming house et d’avoir une déconnexion de la réalité. Il leur faut des coachs, des médecins, des managers… l’objectif est de leur trouver un réel équilibre pour les protéger d’éventuelles dérives. C’est là aussi la tâche de l’équipe, qui doit veiller sur son joueur tout en étant pas sur son dos.
Un autre point important concerne la fiscalité des cashprizes, qui sont la principale source de revenus des équipes et des joueurs. S’agit-il ou non d’un revenu commercial, comment faut-il les encadrer ? Autant de questions épineuses mais nécessaires auxquelles nous allons répondre !
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4) Comment vos amis ou votre famille réagissent-ils quand vous leur dites que vous légiférez sur des gens qui gagnent de l’argent en jouant à des jeux vidéo ?
[Rires] Étrangement, je constate beaucoup d’intérêt ! Il y a beaucoup de questionnement autour, et même si beaucoup ne considèrent pas qu’il s’agisse d’un domaine à part entière, cela suscite des questions. Et je pense que c’est un bon signe que, encore une fois, la machine est en marche.
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5) Fin 2016, Webedia a annoncé plusieurs rachats qui sèment le doute. Le groupe possède maintenant un tournoi (ESWC via Oxent), un média et des commentateurs (Millenium via Webedia), des équipes (Millenium) et donc, en somme, toutes les composantes de son propre écosystème. Est-ce qu’un tel monopole n’est pas dangereux ?
Pour l’instant, le souci, c’est que le cadre esportif est encore trop flou. Il nous faut, à tous, prendre la mesure de ce milieu, et c’est aussi à ça que sert la loi sur la République numérique. Alors oui, un tel monopole peut éventuellement représenter un danger pour l’eSport, mais je pense qu’il faut nous laisser à tous le temps de voir comment ça évolue.
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6) Au fur et à mesure de sa croissance, le sport électronique a vu émerger plusieurs problèmes : des scandales populaires, mais aussi, et c’est plus insidieux, des contrats étranges et autres perversions du milieu. Est-ce qu’une solution à tout cela est applicable ?
Il est clair que, comme dans bien des milieux, des profiteurs finissent inévitablement par apparaître, et posent des problèmes parfois plus moraux que légaux. Mais c’était aussi l’objectif de créer l’association, pour faire le ménage et unir tous les acteurs qui veulent du bien à l’eSport !
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9) Certains ont pu reprocher à France eSports son côté « mafia », dans le sens où peu d’informations étaient communiquées et seuls les gros acteurs rassemblés. C’est un risque ?
France eSports est, avant tout, une association qui n’est pas là pour faire des bénéfices. Cet été, normalement, un conseil d’administration sera élu pour deux ans et rassemblera différentes entités du milieu. Cela fait suite à l’ouverture de l’association pour tout le monde, qui aura lieu le 20 avril. L’objectif est vraiment de fournir à tous, entreprises, joueurs et autres, les outils qui leur sont nécessaires.
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10) Comment voyez-vous l’eSport dans… disons, trois ans ?
Oh, j’espère bien être présente au stade de Gerland pour assister à une compétition sur écran géant !
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11) Jouez-vous à des jeux vidéo, ou regardez-vous des tournois ?
Comme beaucoup, j’ai beaucoup joué sur les machines Amstrad et, bien sûr, au grand classique Super Mario Bros III, mais ça remonte ! Aujourd’hui j’ai beaucoup moins le temps de m’y consacrer, mais j’essaye de regarder un maximum de compétitions de FIFA… et de drones ! C’est un domaine émergeant, comme l’eSport, et je dois dire que ça m’intéresse beaucoup. Après, des jeux comme Assassin’s Creed ou Watch Dogs me semblent très attirants, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de les tester. Peut-être un jour !
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12) Quels sont vos objectifs à terme ?
Je veux voir les joueurs de plus près, étudier leurs modes de vie, m’imprégner de leur environnement. Aller au contact et découvrir leurs besoins pour mieux y répondre, afin d’aider à construire un système qui saura mieux les entourer.
Merci beaucoup à Aurore Huet pour cette interview, et à bientôt en tournoi !
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