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Le PDG d’Ubisoft aborde le harcèlement sexuel et la diversité, mais semble nier toute responsabilité

Ces dernières semaines ont été riches en révélations liées au harcèlement sexuel, et Ubisoft est au cœur de la tourmente : l’éditeur français fait face à de nombreuses accusations, révélant une culture toxique encouragée par de nombreux cadres. Le PDG Yves Guillemot a annoncé de nombreuses mesures afin d’éviter de tels problèmes dans le futur, mais sans jamais vraiment s’expliquer sur lesdits problèmes.

Jusqu’à hier ! Lors du report trimestriel aux investisseurs, la polémique a largement été abordée : « Même si les performances et projections d’Ubisoft sont plus fortes que jamais, nous faisons malgré tout face à une sérieuse polémique concernant les récentes accusations de harcèlement et de comportement inapproprié au sein du groupe. Je suis déterminé à réaliser de profonds changements afin d’améliorer et renforcer notre culture d’entreprise. Nous avons déjà pris des décisions fermes et rapides, en annonçant d’importantes initiatives qui vont transformer notre organisation. Notre but est que les employés d’Ubisoft aient un environnement de travail sécurisant et inclusif. En tant que leader dans notre industrie, nous devons être intransigeants afin de créer une culture exemplaire où tout le monde se sent respecté et valorisé« .

Des propos nobles mais qui, encore une fois, ne se résument qu’à des déclarations plus ou moins importantes. Une nouvelle mesure a cependant été détaillée par Guillemot : « une partie des bonus des team leaders sera liée à leur capacité à créer un environnement de travail positif et inclusif« . C’est un tout nouveau « critère de performance » mis en place mais concrètement… s’agit-il vraiment de récompenser les personnes qui n’ont pas d’incidents liés à du harcèlement sexuel dans leurs équipes ? Au-delà de cette mesure plus que douteuse,  il paraît difficile de jauger complètement l’efficacité comportementale d’une personne ou d’une équipe ; certes, une entreprise extérieure a été mandatée et un poste de Head of Workplace Culture a été créé, mais comment se mesurera le tout ? Encore une fois, on a l’impression que ces mesures sont plus là pour l’effet d’annonce que pour initier un réel changement, dont on aurait eu besoin il y a bien longtemps.

Par ailleurs, la question de la diversité a été abordée : grand sujet principalement lié aux minorités des Etats-Unis, qui sont assez souvent maltraitées, et plus que jamais au cœur de l’actualité. Depuis l’affaire Weinstein et avec l’importance du mouvement Black Lives Matter, ainsi que le mois des fiertés qui se tenait en juin, les grandes entreprises essayent d’afficher, plus que jamais, une image des plus reluisantes. Frédérick Duguet, le CFO d’Ubisoft, a ainsi expliqué : « Nous avons représenté la diversité de plusieurs manières dans nos jeux. Et ces titres sont parmi nos meilleures performances, et nos jeux les plus iconiques. Les joueurs peuvent faire leurs propres choix. Environ un tiers des joueurs ont incarné Kassandra dans Assassin’s Creed Odyssey, et Ash est l’opérateur offensif le plus sélectionné dans Rainbow Six : Siege. La diversité que j’ai mentionnée précédemment va du genre à la diversité ethnique, en incluant aussi de forts personnages LGBTQ+ ainsi que de la neurodiversité, avec la représentation de l’autisme« . Malheureusement, Ubisoft confirme ici une tendance de ces dernières années : des personnages sont intégrés à des jeux pour plaire à telle ou telle communauté, sans prendre en compte l’intérêt pour l’histoire ou même éprouver un véritable besoin de faire valoir ces représentations. Beaucoup de bruit pour, au final, beaucoup de vide

 

 

 

 

Il est également intéressant de noter qu’aucune mention explicite n’a été faite de Serge Hascoët ;  l’ancien CCO (chief creative officier, donc numéro deux) de l’éditeur a démissionné après que l’on ait appris sa tendance à créer un environnement de travail toxique, mais aussi de son soutien aux équipes marketing qui étaient contre un personnage principal féminin pour les joueurs, qui n’aurait pas occasionné autant de ventes qu’un personnage masculin. Comme beaucoup, Hascoët a pérennisé pendant des années une conduite néfaste au sein de l’entreprise, sa démission étant donc logique… mais insuffisante. Yves Guillemot, en tant que PDG de l’entreprise, aurait dû être au courant des problèmes de ses plus proches lieutenants.

Car s’il n’est pas directement coupable, sa responsabilité est indéniable. Qu’il ai choisi d’ignorer les problèmes ou n’en ait pas été conscient, le fait est que rien n’a été fait. Ne pas exprimer publiquement son point de vue sur ces incidents précis, plutôt que de répondre à la polémique globale, est loin d’innocenter la passivité dont Ubisoft a fait preuve durant des années.

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